Ça c’est imposé à moi comme une évidence… Il fallait que je
fasse un billet sur le film, sur Ce film… sur LE film « La vie
d’Adèle ».
Déjà, même avant de voir le film, la « communicante »
que je suis ne pouvait qu’être interpellée par le buzz autour du film. Le
« bad buzz », même, pourrait-on dire… Il vous suffira de « googleliser »
pour tomber sur les tonnes d’infos qui circulent sur le sujet.
Avant même la Palme d’or à Cannes, les techniciens qui
révèlent les conditions de travail, puis l’interprétation des propos des 2
comédiennes principales… La « guerre » médiatique autour de ce film a
envahi la toile, les journaux… Comment trouver l‘envie d’aller voir un film où
le réalisateur est décrit comme un tyran ? Il est vite fait de se dire que,
même si le film est grandiose, s’il a été réalisé dans de mauvaises conditions,
pourquoi le cautionner en lui accordant 3 précieuses heures de notre vie ?
Mais, j’ai pour habitude de ne pas me laisser influencer par
le regard des autres et, autant que possible, de me donner les moyens de me
faire ma propre opinion.
Pictanovo, structure pour laquelle
je travaille régulièrement,
a coproduit ce film et j’ai donc été invitée à l’avant–première à Lille,
vendredi dernier. Allais-je donc y aller ? Sans le savoir encore, j’ai
réservé 2 places, au cas où…
Pour côtoyer Pictanovo, depuis plus de 15 ans, et avoir, du temps où je travaillais
dans la production audiovisuelle, assisté aux comités de lecture de cette
structure qui accorde, ou non, les aides à la production, je savais que souvent
les aides accordées aux longs métrages sont la plupart du temps amplement
justifiées.
Donc, si Pictanovo avait décidé de soutenir Abdellatif Kechiche, il
y avait de grandes chances pour que, rien qu’à la lecture du scénario, ce film soit
prometteur. (Découvrez ici l'itw de Vincent Leclerq DG de Pictanovo après la Palme d'Or)
Pour ma part, de ce réalisateur je n’avais vu que
« L’Esquive » tardivement, en dvd, et j’avais passé un moment
interpellant, et apprécié ce cinéma « vérité ».
Avec mes 2 places réservées, j’ai alors proposé à des
ami(e)s de m’accompagner et là, personne n’était disponible, et, plus, certains
m’ont confié ne pas vouloir y aller à cause de tout ce qui s’était dit sur le
film…
Mais j’aime pas aller toute seule au cinéma, moi ! Alors j’ai
regardé la bande annonce...
et j’ai eu envie d’en découvrir plus.
Le « hasard » a fait que finalement une de mes
amies avait réservé aussi… Youpi, nous allions partager ce moment !
« La vie d’Adèle »… Alors Oui ! Nous sommes DANS
la vie d’Adèle pendant 3 heures, totalement immergés, un peu voyeurs même,
parfois. Adèle, en plan serré quasiment tout le film, remplit l’écran et nous
fait vivre toutes ses émotions.
Les scènes de sexe… sont longues, ou plutôt durent aussi longtemps
que dans la vraie vie.
Je l’avoue, je me suis demandée pourquoi, quand elle fait l’amour avec son
petit ami au début, on est «obligé» de constater que le sexe de son
partenaire est en érection.
Et pourquoi la première scène d’amour entre les 2 femmes (qui dure 7 minutes,
mais ça je l’ai su après) vous impose de regarder 2 êtres faisant l’amour et
jouissant sans cesse comme si vous étiez dans la pièce avec elles. J’ai entendu
des personnes quitter la salle à ce moment-là, et, au fur et à mesure de la
scène, les gens riaient, mal à l’aise, je présume.
Après, il est vrai que, sans être experte en relation
homosexuelle féminine, j’ai eu l’impression (et les lesbiennes qui sont
intervenues sur le sujet l’ont confirmé) que la chorégraphie de ces ébats
amoureux s’apparente davantage à un fantasme masculin qui visualise 2 femmes en
train de faire l’amour qu’à des images fidèles à la réalité. Mais pourquoi
penser à tout cela en les regardant ?... Parce qu’on n’a tellement pas l’habitude de
voir des scènes de sexe aussi longues au cinéma, et encore moins entre 2
femmes, parce que j’ai pensé à toutes mes amies comédiennes qui m’ont confié
combien cela pouvait être difficile d’être ainsi, nue devant toute une équipe
technique (mais à priori en entendant Adèle Excarchopoulos, sur France Inter, elle a trouvé ça fun), parce qu’il est difficile de regarder 2 personnes faire l’amour
aussi longtemps, si l’on n’a pas des tendances voyeuristes, sans forcer son
cerveau à analyser la situation pour sortir de l’émotionnel …
Mais, tout comme ce réalisateur nous montre que, comme dans
la vraie vie, ses personnages mangent parfois la bouche ouverte, il nous montre
que lorsqu’ils prennent une douche ils se nettoient vraiment, même entre les
fesses…
Et je me suis dit, quand la lumière s’est rallumée que ces
moments là n’étaient pas indispensables… Mais 4 jours après, je me dis que non,
ils ne sont pas « indispensables », mais ils sont un choix
artistique, un choix qui nous permet vraiment de rentrer dans la vie d’Adèle,
d’y croire, tant aucun détail ne nous échappe… Et oui, dans la vraie vie les
gens font l’amour plus de 2 minutes…
Il y a les scènes de sexe, ok, mais il y a tout le reste, où les acteurs ont un jeu criant
de vérité, où l’on rit, où l’on est au bord des larmes, où l’on est mal à
l’aise… Comme eux.
Les 2 comédiennes affichent une complicité rarement perçue
au cinéma. Léa Seydoux est tout à fait crédible dans ce rôle de lesbienne un
peu masculine, artiste peintre (allant jusqu’à prendre des cours de dessin). Ce
film a été préparé quasiment sportivement par les comédiens… Mais par dessus
tout… Adèle Exarchopoulos, qui crève l’écran pendant 3 heures, est juste… J’ai
pas de mot… Excellente, incroyable, monumentale… Je devinais ce que son
personnage pensait juste par ce que je voyais dans son regard… C’était juste
saisissant… troublant…
Alors, le film a sans doute été éprouvant, je n’en doute
pas… Parfois difficile pour les comédiens et les techniciens… Cependant, ne pas
aller le voir parce que vous n’avez pas envie de cautionner les méthodes de
travail de ce réalisateur (et c’est votre droit) vous privera de voir un des
films qui comptera, je pense, dans l’histoire du cinéma et peut-être même de
notre société… Cela vous privera aussi de découvrir le talent d’Adèle
Exarchopoulos. Et aller le voir, ce sera aussi soutenir toutes les personnes
qui ont contribué à ce film, et pour que, s’ils ont souffert à le faire, ce ne
soit pas en vain.
Et vous le verrez (j’espère), ce film nous parle aussi tout
simplement, d’amour, de passion, d’homophobie, de préjugés, de la difficulté de
s’accepter tel que l’on est et de croire en soi, même si notre entourage nous
imaginait autrement que ce que nous sommes…
J’aime ce personnage qui veut « juste » être
institutrice au milieu de cette bande d’artistes-intellos, parce que, pour elle, le plus important c’est que les jeunes apprennent à lire et à découvrir la littérature.
J’aime la mise en évidence subtile, dans leur couple, d’une qui accepte l’autre
telle qu’elle est, sans condition, alors que l’autre la pousse à « se
réaliser » dans quelque chose qu’elle n’a pas besoin de faire, juste pour
qu’elle soit «artiste» à son tour…
C’est un film qui nous parle de la vie, la vraie… Et
« Adèle » est avec moi depuis vendredi, son authenticité et sa
sincérité m’accompagnent au quotidien, au point que je pense que nous avons
sans doute tous une part « d’Adèle » en nous,… Vous savez c’est l’endroit
où l’on ne triche pas avec soi-même.
Alors pour être certaine de pouvoir la
retrouver quand cela sera nécessaire, je vais, de ce pas, enrichir ma bibliothèque
avec « Le bleu est une couleur chaude » de Julie Maroh qui a inspiré
le film.
Et j'espère, que vous soyez plutôt Sartre ou Bob Marley, que
ce film vous touchera de manière positive, comme il l’a fait pour moi.
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